Si le nom de Diego Giacometti est inlassablement associé, dans les écrits comme dans l’imaginaire collectif, à celui de son célèbre frère Alberto, il n’en reste pas moins une personnalité brillante et l’une des figures de proue de la sculpture et du mobilier modernes.
Rejoignant Alberto à Paris en 1925, Diego passe dès son arrivée par l’atelier de Bourdelle à la Grande Chaumière afin de s’y former. La sculpture ne semble pas avoir été une vocation pour le jeune homme, qui aurait débuté cet art sous l’influence de son aîné, dont il restera très proche toute sa vie ; les deux frères partagent en effet le même atelier jusqu’à la disparition d’Alberto en 1966. Dans un premier temps, l’activité de Diego se résume essentiellement à épauler son frère, notamment dans la réalisation des nombreuses pièces mobilières commandées à celui-ci par Jean-Michel Frank ; Diego se révèle rapidement un praticien indispensable dans le processus de création.
La Seconde Guerre mondiale marque une rupture dans le dynamisme du binôme ; Alberto, retenu en Suisse, ne pourra rentrer à Paris qu’en 1945. Diego, seul dans la capitale, livre alors ses première créations indépendantes, notamment des flacons de parfum, dont la vente lui permet de subsister.
A la fin du conflit, le rôle croissant joué par Diego dans l’oeuvre de son frère – réalisant socles et armatures de ses sculptures – le poussent vers une émancipation créatrice, relayée par l’intérêt appuyé de Marguerite et Aimé Maeght ainsi que de Pierre Matisse, marchands d’Alberto, pour ses créations à partir du début des années 1950. La personnalité artistique de Diego se fait jour ; il s’oriente dans la conception de mobilier, qui a sa faveur au détriment de la sculpture autonome. Rapidement, les Maeght lui commandent des pièces pour leurs résidences personnelles, visibilité qui aboutit bientôt à la commande de l’ameublement de l’intégralité d’une salle du restaurant zurichois de Gustave Zumsteg, « La Kronenhalle ».
Le décès d’Alberto en 1966 ne fait que confirmer cet essor d’individualisme ; Diego s’immerge dans un monde imaginaire et fantasque, d’où naît une production prolifique de pièces fabuleuses, peuplées d’un univers de personnages, d’animaux et d’éléments végétaux modelés avec ardeur.
A la fois subtil et universel, l’art de Diego Giacometti est un art de l’anecdote et du mythe, investi d’humour, d’ironie. Chaque pièce conçue par le sculpteur l’est pour une personne en particulier, élaborée en fonction et pour son destinataire ; elle sera souvent modifiée, rééditée, agrandie ou rapetissée pour une commande ultérieure, par un tiers. Inspiré par l’épuration géométrique du mobilier pharaonique de l’Egypte antique – découvert lors d’un voyage dans le pays en 1927 – au même titre que celui des Grecs et Romains, Diego s’investira jusqu’au bout dans la réalisation de meubles épurés, à l’armature sobre et à l’architecture visible, témoignant d’un génie inventif et d’un sens esthétique sans borne.