Alors que l'émaillerie avait perdu de son importance à Limoges suite à la Révolution, la redécouverte de cet art au cours du XIXe siècle a permis à la région limousine de retrouver tout le prestige de sa réputation en la matière. Remis au goût du jour par une génération pionnière d’érudits et de passionnés dès le Second Empire, c'est véritablement à l'orée des années 1920 et sous l'impulsion de l'ingénieux entrepreneur Camille Fauré que les émaux limousins vont connaître un nouvel essor et prendre le virage de la modernité.
Né à Périgueux en 1874, Camille Fauré est le troisième enfant d'un peintre en lettres venu implanter son entreprise à Limoges à la fin des années 1880. Après le décès de ce dernier, le jeune homme prend la tête de l'affaire familiale et multiplie les activités en se spécialisant dans divers secteurs tels que les enseignes, les vitrines, les églises ou le faux marbre. Fort de ses réussites professionnelles, il décide de se consacrer à la production d'émaux d'art vers 1920 et s'associe à Alexandre Marty, élève et gendre du décorateur sur porcelaine Alfred Broussillon. Ensemble, ils créent des pièces à décors "flammés" et "givrés" estampillées Fauré Marty Limoges, dont une multitude de petits vases de cuivre paillonnés. Ces réalisations dans le goût de l'époque sont notamment destinées à une clientèle bourgeoise locale. En 1924, Fauré souhaite donner un nouvel élan à son atelier et s'adresser à une clientèle plus large, notamment d'acheteurs étrangers et d'établissements parisiens. Il se sépare de Marty et recrute cinq émailleurs, dont Louis Valade, Lucie Dadat et Pierre Bardy, qu'il finance et auxquels il laisse une totale liberté de création. De 1925 à 1930, ces ouvriers d'art travaillant sous la raison collective C. Fauré Limoges vont proposer des pièces d'exception aux décors avant-gardistes mêlant savamment motifs géométriques et cubistes à des couleurs franches rehaussées par le relief des émaux.
Ces vases Art Déco rencontrent un succès fulgurant auquel le krach boursier du début des années 1930 va mettre un terme. Fauré se voit contraint de réorienter sa production vers un marché de masse et demande à ses collaborateurs de réaliser des objets plus modestes. Ces pièces post-1930 sont caractéristiques par leurs décors floraux et naturalistes qui continuent de faire la renommée de l'atelier.
A la mort de Camille Fauré en 1956, sa fille, Andrée, reprend la direction de l'atelier qui connaît un dernier regain avant de fermer définitivement ses portes en 1985.