Fils et petit-fils d’entrepreneurs dans la peinture de bâtiment, Jacques-Émile Ruhlmann naît en 1879 à Paris. Très tôt, il est préparé à reprendre l’entreprise familiale et entre chez un peintre-décorateur à dix-sept ans afin de s’y former. Pourtant, dès 1900, la véritable vocation de Ruhlmann point et celui-ci entreprend d'ores et déjà de dessiner et concevoir ses propres meubles. En 1907, le décès de son père le met à la tête de la firme qu’il oriente résolument vers les recherches dans les arts décoratifs, confirmant la voie prise quelques années auparavant.
Exposant dès 1910 au Salon d’Automne, Ruhlmann démontre ses talents de décorateur d’intérieur ainsi que de concepteur de mobilier, remportant rapidement un vif succès et comptant parmi sa clientèle des personnalités aussi prestigieuses que Jane Renouardt, Jacques Doucet ou encore Jean Puiforcat. L’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925 intervient comme le couronnement d’un triomphe latent depuis plusieurs années déjà ; l’Hôtel du Collectionneur, conçu avec le concours de son ami architecte Pierre Patout et du sculpteur Joseph Bernard, est alors considéré comme une oeuvre d’un aboutissement et d’une perfection rares. La même année il est nommé chevalier de la Légion d’honneur et est élevé au grade d’officier en 1928.
Jacques-Émile Ruhlmann se place comme héritier et rénovateur de la grande tradition d’ébénisterie française, bien qu’il n’ait jamais été formé à cet art. Ses meubles, d’une élégance distinguée, manifestent le goût et la connaissance des styles passés, sans jamais verser dans le pastiche, ainsi que réminiscences et références à certaines figures éminentes de l’histoire des arts décoratifs, comme les frères Jacob auxquels il emprunte certains poncifs – les pieds arrière en sabre notamment. La finesse et la richesse des placages de bois et incrustations de matériaux précieux, réalisés avec virtuosité par les ateliers de sa firme, en font l’un des plus inventifs et sophistiqués représentants du mouvement Art Déco.