Elisabeth De Saedeleer naît le 27 août 1902 dans la commune néerlandophone belge de Laetheme-Saint-Martin, proche de Gand. Son père, Valerius De Saedeleer (1867-1941), était déjà un artiste peintre reconnu.
Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, la famille De Saedeleer fait partie des nombreuses âmes qui ont dû quitter leur pays pour se réfugier en Grande-Bretagne. Une politique d'accueil des artistes belges, reconnus pour leur créativité et leur savoirs-faire spécifiques, se développe. Le professeur Fabrice Polderman, installé à Cardiff, propose d'accueillir ces artistes au Pays de Galles. Sous le patronage de David Davies d'Aberystwyth (baron Davies de Lllandinam à partir de 1932), les familles des artistes Minne, De Saedeleer et Van de Woestjine sont installées à Aberystwyth. La famille De Saedeleer trouve refuge dans une maison cossue appelée Tynlon à Rhydyfelin où Valerius peut s'adonner à la peinture, une activité qui lui permet à la fois de s'intégrer au milieu artistique d'Aberystwyth et de vivre de son art particulièrement apprécié par les locaux. En 1918, il est d'ailleurs nommé à la direction du musée d'art et d'artisanat qu'il envisage de lier à l'University College d'Aberystwyth.
"Je travaille assez bien ici. J'ai ma famille avec moi dans un beau pays et une belle maison,
je suis aussi heureux que je peux l'être, loin des Flandres et de cette horrible guerre." - Valérius De Saedeleer
Cet environnement est propice au développement d'une vocation artisanale chez Maria, Maarie-Jozef, Monica et enfin Elisabeth, les cinq filles de Valérius. C'est là qu'elles y ont appris les techniques de tissage et ont rencontré l'un des anciens employés de William Morris. Elisabeth a notamment fait la connaissance de la fille de ce dernier, Mary (ou May) Morris (1862-1938), qui lui a tout enseigné des techniques de tissage de tapisserie. Les productions des soeurs De Saedeleer connaissent un succès retentissant, à tel point que la famille envisage la création d'une école de tissage. Recevant une multitude de commandes à partir de 1919, elles travaillent de façon quasi indépendante. Cependant, le projet d'un atelier-école de tissage s'essouffle, perd ses principaux défenseurs et la famille De Saedeleer finit par retourner en Belgique en 1921. Installée à Etikhove, l'idée de fonder un centre d'art et d'artisanat ne les avait pas quittée. C'est ainsi que la ville devient l'un des centres de tissage le plus important de l'époque moderniste grâce à la création officielle, le 12 septembre 1926, de l'atelier de tissage "Société de Tapis d'Art De Saedeleer et Cie", dit aussi "Studio Saedeleer", en collaboration avec les frères Luc et Paul Haesearts. L'école de tapisserie est mitoyenne à l'atelier de Valérius. Elisabeth a alors une place importante au sein de l'école et, dans son propre atelier, elle transfère les dessins de son père mais aussi d'autres artistes à première échelle sur les cartons de tapisserie. L'atelier sera ensuite transféré à Bruxelles.
Forte de son apprentissage auprès des héritiers de l'Arts & Crafts des techniques traditionnelles de tissage, Elisabeth De Saedeleer permet à son atelier - installé dans la basilique du Sacré-Coeur de Koekelberg de style Art déco - d'atteindre une renommée considérable dans les années 1920 - 1930. Elle y produit des tapisseries et tapis aux couleurs vives d'après des dessins d'artistes comme Ossip Zadkine, Michel Seuphor, Marc Chagall ou encore André Lhote. En 1927, elle est nommée enseignante au département d'art textile de l'Institut supérieur des arts décoratifs de Bruxelles La Cambre. Elisabeth, très soucieuse du devenir de son métier, écrit dans un article qu'elle dédie à la technique de tissage :
"Pour que l'art du tissage de tapis retrouve le plein développement qu'il a connu dans le passé, il est nécessaire qu'une élite de personnes, éduquées par le bon goût, puisse apprécier et protéger ce travail. (...)
L'artisanat est en danger de disparition (...)
Il faut que cette profession soit gratifiante et valorisante et rien ne doit être négligé pour encourager les jeunes à cette merveilleuse activité."
Sources : Caterina Verdickt, « Comment une jeune fille est partie au Pays de Galles pendant la Grande Guerre, pour devenir la première dame de “La Cambre” », Institut Supérieur des Arts décoratifs de Bruxelles.