EUGENIE O'KIN

Eugénie O’Kin fait partie de ces personnalités dont le talent et la qualité rare des oeuvres restent encore trop obscurs. Aujourd’hui connue sous les divers noms d’Eugénie Jubin, Eugénie O’Kin ou encore Yokohama O’Kin – en référence à sa ville natale –, cette tabletière d’exception naît, en 1880, d’une mère japonaise et d’un père français ayant émigré au pays du Soleil-Levant afin de développer l’entreprise familiale spécialisée dans le commerce de la soie. Alors qu’elle grandit durant une période d’ouverture du Japon sur le monde, Eugénie a le privilège rare de recevoir la double éducation que lui vaut son origine métisse. Imprégnée de la culture du pays dans lequel elle évolue, elle l’est aussi par les racines occidentales de son père, suivant l’enseignement de la seule école française de la ville, le pensionnat des Dames de Saint Maur. Sensible aux arts de par son activité, la famille de la jeune femme encourage des prédispositions précoces pour le dessin ainsi qu’une grande créativité.

Eugénie O’Kin quitte le Japon pour Paris. Elle envoie dès 1906 certaines de ses créations au Salon d’Automne. La formation de l’artiste aux rudiments du métier de tabletière se fait en France. Durant ces mêmes années, Eugénie rencontre celui qui deviendra son époux, le céramiste Henri Simmen, avec qui elle sillonne bientôt l’Asie de 1919 à 1921. La visite de l’Indochine, où son frère réside, à Saïgon, marque durablement le jeune couple dont les créations révèleront de profondes influences de l’art khmer.

Plus que jamais, ils se nourrissent mutuellement de leurs cultures autochtones. Naîtront des oeuvres de collaboration d’un aboutissement rare, au subtil chromatisme, les céramiques de Simmen se trouvant couronnées par des bouchons ou couvercles, supportées par des socles dessinés ou conçus par son épouse. Plus qu’une simple collaboration, la participation d’O’Kin aux créations de son époux intervient comme le complément obligé de son processus créatif.

Virtuose dans son domaine, Eugénie O’Kin est encensée par la critique, qui sait apprécier les immenses respect et amour des matières qu’elle travaille, du sycomore à l’ivoire en passant par le corail. Ses racines japonaises rendues sensibles dans les sujets et formes qu’elle consacre et favorise – un panel de délicates fleurs et plantes stylisées, par exemple – et donnant lieu à l’incomparable élégance de la sinuosité des lignes et silhouettes de ses flacons ou vases ne peuvent que faire regretter la disparition progressive, au fil des année, de ses oeuvres autonomes, au profit du concours à celles de son époux.