JEAN-MICHEL FRANK

Le récit de la vie et l’oeuvre de Jean-Michel Frank a tout du drame romantique. La disparition de ses frères et de son père plongèrent l’élève studieux du lycée Janson-de-Sailly dans une détresse intime et persistante qu’il étaya tout au long de sa vie. Il parvint à en catalyser l’énergie au travers de la maturation d’une esthétique ascétique et dépouillée ("l’esthétique du renoncement" selon François Mauriac) dont les systèmes devinrent non seulement incontournables mais également inimitables.

A l'aide de l'ébéniste Adolphe Chanaux, Frank mit au point des gammes de meubles et de luminaires adoptant des formes minimales et usa de matériaux innovants tels le gypse, la terre cuite, le mica, le graphite, le galuchat, la paille, ainsi que diverses techniques de façonnage particulières comme le chêne sablé ou arraché. Séduits, Louis Aragon et Paul Eluard parmi d’autres, lui commandèrent plusieurs pièces aux accents primitifs africains et chinois. En 1926, la réalisation pour les Noailles d'un fumoir et d'un boudoir arracha à Yves Saint-Laurent le qualificatif de « huitième merveille du monde ».

A partir de là, abondance des commandes, richesse des réalisations et intensité des relations teintèrent la carrière de Jean-Michel Frank, nommé directeur artistique de la société Chanaux & Cie. Les pièces qu’il imaginait étaient le plus souvent produites en association avec Alberto Giacometti, Paul Rodocanachi, Emilio Terry et Christian Bérard qui participèrent au tempérament du style de Frank et l’imprégnèrent de références néoclassiques, baroques ou Napoléon III. Notons aussi que les couturiers Lucien Lelong, Marcel Rochas et Elsa Schiaparelli lui confièrent la décoration de leurs showrooms.

Le début de la Seconde Guerre mondiale poussa les ateliers Chanaux à la fermeture et parallèlement, scella la fin de la vie de Jean-Michel Frank. En exil, dévasté, il se donna la mort en 1941 à New-York.